Fantômes, pas si fantômatiques que ça.

Comparée à la juive, la religion chrétienne est bien organisée. Lorsqu'elles quittent ce bas monde, les âmes catholiques savent à peu près ce qui les attend. Quelques unes vont aller en enfer, et la plupart au paradis. Sur cette question si délicate, les Juifs n'ont rien prévu. Une fois décédés, qu'ils se soient bien conduits ou non, ils ne savent pas où ils doivent se rendre, en attendant le Jugement Dernier. Rien d'étonnant dans de telles conditions, qu'ils soient nombreux à vouloir rester là, à revenir sur les lieux qu'ils ont hantés vivants, se méler de la vie de leurs descendants.
Il y a quelques jours, j'ai entendu à la radio une écrivaine exposer cette théorie. Ayant pris l'émission en cours, je n'ai pas relevé son nom. Je ne sais même si elle était elle-même juive, probablement que oui, car elle expliquait ainsi la présente selon elle, courante, des fantômes dans les romans des écrivains issus de cette confession. Je ne sais pas si elle faisait allusion au mien.
"Malgré les circonstances particulières qui avaient présidé à son décès, Abraham Rabbinowicz bénéficia de funérailles en règle; Tandis qu'il reposait dans sa chambre à coucher, les parents, les voisins, virent lacérer leurs vêtements, et lui demander, par des cris véhéments, pardon pour tous les torts qu'ils lui avaient causés.......Huit hommes, choisis dans les meilleures familles, les chargèrent sur leur épaules, et l'emmenèrent au cimetière.
Le chemin à parcourir n'était que d'un kilomètre tout au plus. Mais le cortège suivit un chemin emprunta des chemins si détournés que la nuit était tombée quand il atteignit son but.
Cette lenteur extrême était de mise à tous les enterrements. Connaissant la propension de certains morts à s'occuper de la vie des vivants, ceux-ci avaient imaginé ce moyen ingénieux à concilier le respect qu'ils devaient à leurs aînés, avec une légitime aspiration à celui de leur vie privée: Embrouiller l'itinéraire du dernier voyage, afin que le jour où les morts s'aviseraient de l'emprunter dans le sens opposé, ils ne s'y retrouvent plus, et rebroussent chemin. Le pavé originel. Le roman.